Accès partiel : un droit européen pour les denturistes
L’accès partiel permet à un professionnel de santé, pleinement qualifié dans son État membre d’origine, d’exercer une partie seulement des actes relevant d’une profession réglementée dans un autre État membre. Cette page explique comment ce mécanisme s’applique au domaine dentaire et quelle est la place des denturistes dans ce cadre européen et français.
Qu’est-ce que l’accès partiel ?
L’accès partiel est un dispositif du droit de l’Union européenne qui permet à un professionnel de santé, pleinement qualifié dans son État membre d’origine, d’exercer une partie seulement des actes relevant d’une profession réglementée dans un autre État membre.Affaires Juridiques APHP
Concrètement, un denturiste (denturologist, clinical dental technician…) qualifié dans un pays où la profession est réglementée peut, sous conditions, obtenir une autorisation en France uniquement pour les actes pour lesquels il est formé et qualifié, sans devoir devenir chirurgien-dentiste.
Ce mécanisme a été introduit dans la directive 2005/36/CE sur la reconnaissance des qualifications professionnelles, modifiée par la directive 2013/55/UE, puis confirmé par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) dans l’arrêt C-940/19 « Les Chirurgiens-Dentistes de France et autres ».defenseur des droits
Le cadre juridique européen et français
Au niveau européen
Au niveau européen, le cadre de l’accès partiel repose sur :
- Directive 2005/36/CE sur la reconnaissance des qualifications professionnelles (modifiée par 2013/55/UE) introduit l’accès partiel aux professions réglementées, y compris les professions de santé bénéficiant d’une reconnaissance automatique.juridique defenseur des droits
- Arrêt CJUE C-940/19 (2021) : la Cour confirme que les États membres peuvent prévoir un accès partiel à certaines professions de santé couvertes par la reconnaissance automatique (dont les chirurgiens-dentistes) et que ce mécanisme est conforme au droit de l’Union, sous réserve du respect de la protection de la santé publique.Pappers Justice
Cet arrêt met fin à la contestation portée par certains syndicats et confirme qu’un État membre peut et doit organiser l’accès partiel lorsqu’un professionnel répond aux conditions prévues par la directive.
La transposition en droit français
En France, l’accès partiel a été transposé notamment par :
- Ordonnance n° 2017-50 du 19 janvier 2017 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles dans le domaine de la santé.Légifrance+1
- Code de la santé publique, notamment :
- Article L.4002-3 : fixe les conditions de l’accès partiel (qualification complète dans l’État d’origine, différences substantielles entre activités, impossibilité d’exiger une formation complémentaire raisonnable, etc.).Légifrance+1
- Article L.4002-5 : précise que, pour les actes autorisés, le professionnel à accès partiel dispose des mêmes droits et est soumis aux mêmes obligations et responsabilités que les professionnels français (civiles, disciplinaires, pénales).snia.net
- Articles R.4002-2 à R.4002-6 : organisation pratique de l’accès partiel (examen des dossiers, avis des commissions et, le cas échéant, de l’ordre professionnel).Légifrance
L’administration doit donc examiner chaque demande au cas par cas, en tenant compte de la formation, de l’expérience et des actes effectivement pratiqués dans l’État d’origine, et ne peut refuser l’accès partiel que pour des motifs impérieux d’intérêt général, notamment la protection de la santé publique.
Comment l’accès partiel s’applique-t-il au domaine dentaire ?
Dans le domaine dentaire, l’accès partiel vise précisément les situations où un professionnel de santé est :
- Denturiste / denturologiste / clinical dental technician,
- Formé et autorisé dans son pays pour la prise en charge clinique des prothèses amovibles (examens, empreintes, essayages, adaptations, suivi),
- Mais ne réalise ni chirurgie, ni traitements conservateurs, ni actes dépassant son champ de compétence.
Dans ce cas, l’accès partiel permet théoriquement :
- D’autoriser en France uniquement l’activité de prothèse amovible (examens cliniques, empreintes, choix, essayages, livraison, contrôles, réparations),
- En excluant explicitement les actes réservés aux chirurgiens-dentistes (diagnostics globaux, soins conservateurs, chirurgicaux, prescriptions hors cadre, etc.).
L’arrêt C-940/19 prend d’ailleurs comme exemple les hygiénistes bucco-dentaires et les professionnels intermédiaires du secteur dentaire pour illustrer l’objectif d’éviter que des compétences utiles pour les patients soient bloquées par des règles nationales trop rigides.Pappers Justice
Qui peut demander un accès partiel en France ?
Peuvent, en principe, solliciter un accès partiel :
Les ressortissants d’un État membre de l’UE ou de l’EEE ;
Pleinement qualifiés comme denturiste / denturologiste / clinical dental technician / équivalent dans cet État ;
Souhaitant exercer en France, uniquement pour les actes qui relèvent de leur profession dans le pays d’origine.
Les autorités françaises examinent alors :
La nature de la profession dans l’État d’origine (statut, réglementation, registre, ordre ou autorité compétente) ;
Le contenu détaillé de la formation (durée, niveau, référentiels, stages, actes autorisés) ;
La liste des actes effectivement permis et pratiqués (par exemple : prothèses amovibles complètes et partielles, réparations, rebasages, etc.) ;
Les différences entre ces actes et ceux relevant de la profession de chirurgien-dentiste en France.
Cet examen peut conduire à :
L’accord d’un accès partiel, avec une liste d’actes autorisés ;
Un refus motivé si les conditions ne sont pas remplies ou si la protection de la santé publique l’exige (notamment si les compétences sont trop proches de celles d’un chirurgien-dentiste à champ complet).
Droits, obligations et information des patients
Lorsqu’un professionnel obtient un accès partiel :
- Il dispose, pour les actes autorisés, des mêmes droits et obligations qu’un professionnel français (assurance, responsabilité, règles de déontologie).snia.net
- Il doit informer clairement le public de son statut et de la liste précise des actes pour lesquels l’accès partiel a été accordé. Ce principe est déjà prévu, par exemple, pour les médecins originaires d’un autre État membre à qui un accès partiel a été accordé (obligation d’informer les patients sur un site internet ou tout support de communication).
Cette transparence garantit le droit au libre choix du praticien et la bonne information des patients, tout en assurant que chacun exerce dans le respect de ses compétences.
⚠️ Important
Les informations présentes sur cette page ont une vocation pédagogique. Elles ne constituent pas un avis juridique. Pour toute situation individuelle, il est recommandé de consulter un juriste ou un avocat spécialisé en droit de la santé et en droit européen.
Important : les informations présentes sur cette page ont une vocation pédagogique. Elles ne constituent pas un avis juridique. Pour toute situation individuelle, il est recommandé de consulter un juriste ou un avocat spécialisé en droit de la santé et en droit européen.
Rôle de France-Denturiste
L’Association France-Denturiste :
Informe les professionnels étrangers intéressés par l’accès partiel au champ de la prothèse amovible en France ;
Accompagne la compréhension du cadre européen (directive 2005/36/CE, CJUE C-940/19) et du droit français (ordonnance 2017-50, articles L.4002-3 et L.4002-5, R.4002-2 à R.4002-6 du Code de la santé publique) ;
Sensibilise les autorités françaises (ministère, commissions, administrations) à la place des denturistes dans la stratégie de santé bucco-dentaire et au respect du droit de l’Union ;
Prépare, avec les professionnels concernés, des dossiers argumentés démontrant la sécurité des actes, la complémentarité avec les chirurgiens-dentistes et les bénéfices en termes d’accès aux soins, notamment pour les personnes âgées et les territoires en tension.
Et pour les diplômés formés en France ?
Il existe une différence importante entre :
- l’accès partiel, qui est un mécanisme européen strictement réservé aux professionnels déjà qualifiés dans un autre État membre, et
- les diplômés formés en France, qui ne relèvent pas juridiquement de ce dispositif.
Cependant, plusieurs éléments importants doivent être rappelés :
✔ 1. La formation française existe parce que l’État l’a autorisée
La formation professionnelle en denturologie dispensée en France est :
- déclarée légalement auprès des autorités administratives compétentes ;
- enregistrée auprès du ministère du Travail (DREETS) et du ministère de la Santé lorsqu’elle relève du domaine sanitaire ;
- validée au titre de la réglementation de la formation professionnelle (Déclaration d’activité — NDA), permettant la délivrance légale de certifications privées.
C’est donc bien l’État (via la DREETS, la préfecture et, par extension, le ministère qui supervise) qui a :
- autorisé l’existence de cette formation,
- reconnu sa conformité administrative,
- validé que l’organisme est habilité à former et certifier des professionnels.
✔ 2. L’État français a lui-même inscrit dans la loi le mécanisme d’accès partiel
Ce n’est pas une initiative associative :
- c’est le législateur français (Ordonnance 2017-50)
- qui a transposé l’accès partiel dans le Code de la santé publique.
Cela signifie que la France reconnaît déjà le principe de professions intermédiaires en odontologie venant d’autres pays (dont les denturistes).
Ce point est extrêmement important politiquement, car il montre que :
➡️ La France accepte l’existence de professionnels dentaires intermédiaires – mais seulement par le biais de l’accès partiel européen pour l’instant.
✔ 3. En attendant une reconnaissance nationale du métier : que peuvent faire les diplômés formés en France ?
Ce point doit être formulé avec prudence juridique.
Voici la seule formulation sûre :
Les diplômés formés en France peuvent exercer toutes les activités qui ne relèvent pas du monopole d’une profession réglementée, conformément au droit commun (Code du travail, Code de la consommation, Code civil).
Ils ne peuvent pas réaliser d’actes réservés par le Code de la santé publique aux chirurgiens-dentistes (diagnostic global, soins conservateurs, chirurgie, prescription, etc.).
Autrement dit :
- Ils peuvent exercer les activités non médicales, comme :
- fabrication de prothèses,
- réparations,
- rebasages,
- travaux de laboratoire,
- accompagnement non clinique,
- prise d’informations techniques non médicales dès lors qu’il n’y a ni diagnostic, ni acte clinique, ni acte invasif,
- mais pas d’actes cliniques réservés aux chirurgiens-dentistes.
C’est la distinction légale obligatoire pour rester dans la conformité et éviter toute mise en cause.
✔ 4. Le rôle de France-Denturiste : vers une reconnaissance officielle du métier
France-Denturiste travaille pour :
- obtenir une reconnaissance nationale du métier ou d’un cadre d’exercice sécurisé,
- aligner la France sur les pratiques internationales (UE, Québec, Pays-Bas, Suisse, Royaume-Uni…),
- faire évoluer le cadre pour que les diplômés formés en France disposent d’un statut professionnel clair, avant ou indépendamment de l’accès partiel.
✔ 5. Une phrase parfaitement légale que tu peux afficher
Voici la formulation la plus sûre juridiquement, intégrable telle quelle :
La formation française de denturologie est légale, déclarée auprès de l’État et reconnue administrativement.
En revanche, l’accès partiel ne concerne aujourd’hui que les professionnels qualifiés dans un autre État membre de l’UE.
France-Denturiste œuvre pour que les diplômés formés en France bénéficient à terme d’un cadre professionnel reconnu, conforme aux standards internationaux.
✔ 6. Et la question : “Est-ce que cela permet de travailler en attendant la reconnaissance ?”
La réponse, juridiquement correcte :
Oui, mais uniquement dans le cadre des activités qui ne relèvent pas du monopole des professions de santé réglementées.
Cela signifie que les diplômés français peuvent travailler légalement dans la limite stricte des activités qui ne sont pas des actes cliniques odontologiques.
Questions fréquentes (FAQ)
Q1. L’accès partiel est-il automatique ? Non. Chaque demande est examinée au cas par cas par l’autorité compétente. Le simple fait d’être denturiste dans un autre pays ne suffit pas : il faut démontrer les qualifications, l’expérience et la cohérence de la demande d’accès.
Q2. L’Ordre des chirurgiens-dentistes peut-il s’opposer à l’accès partiel ? Pour les professions dotées d’un ordre, celui-ci est consulté et rend un avis, mais la décision appartient à l’autorité administrative (ministère ou commission compétente), dans le respect du droit de l’Union européenne.
Q3. Les patients sont-ils protégés ? Oui. L’accès partiel est encadré par des conditions strictes (qualification complète dans l’État d’origine, évaluation des différences, possibilité de refus pour protéger la santé publique). Le professionnel est soumis aux mêmes responsabilités que les praticiens français pour les actes qu’il réalise.
Q4. France-Denturiste traite-t-elle directement les demandes d’accès partiel ? Non. Les décisions relèvent uniquement des autorités publiques compétentes. L’Association peut toutefois informer, orienter et accompagner les professionnels qui souhaitent constituer un dossier.
Vous êtes denturiste diplômé en Europe et vous souhaitez exercer en France ?
Vous êtes denturiste / denturologiste / clinical dental technician qualifié dans un pays européen et vous envisagez une activité en France dans le cadre de l’accès partiel ?
Contactez France-Denturiste pour être informé des étapes, des textes applicables et des limites actuelles.
