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Analyse & Décryptage • Novembre 2025

« France Santé » : quand la réforme du PLFSS révèle les failles du système conventionnel et du modèle dentaire français

l’UNPS alerte sur un risque de démantèlement du système conventionnel… mais faut-il vraiment défendre un système déjà verrouillé ?

France santé : L’Union Nationale des Professionnels de Santé (UNPS) a réagi, le 6 novembre 2025, à l’amendement gouvernemental introduisant le dispositif « France Santé » dans le PLFSS 2026.
Un amendement déposé sans concertation préalable avec les syndicats représentatifs des professionnels de santé libéraux — et qui suscite de fortes inquiétudes dans tout le secteur.

L’UNPS pointe trois risques majeurs :
1️⃣ la remise en cause du paritarisme conventionnel,
2️⃣ la complexification du pilotage territorial,
3️⃣ la déconnexion des financements de ville.

Mais derrière cette alerte légitime se pose une question plus fondamentale :
👉 que vaut aujourd’hui un système conventionnel qui protège d’abord des intérêts économiques avant la santé publique ?

Résumé exécutif

Le dispositif « France Santé » devait renforcer la coordination territoriale. Mais pour l’Union Nationale des Professionnels de Santé (UNPS), il menace les fondements du système conventionnel. Au‑delà du texte, cette réforme révèle un mal plus ancien : un modèle dentaire construit sur la rente, non sur la santé publique.

Quand le paritarisme devient un verrou corporatiste

« Le dispositif “France Santé” contourne les conventions professionnelles et confère des pouvoirs unilatéraux au directeur général de la CNAM. »

Le modèle conventionnel, construit sur le dialogue syndicats/Assurance maladie, est devenu notamment dans le secteur dentaire un outil de verrouillage. Sous couvert de « défense du système », des acteurs entretiennent la protection d’un monopole, bloquant l’application du droit européen à l’accès partiel (CJUE C‑940/19) et transformant l’Ordre en organe de contrôle corporatif.

Une convention construite sur la rente, pas sur la santé

Quand le « paritarisme » devient un verrou corporatiste

Le modèle conventionnel dentaire illustre ce dévoiement :
les actes prothétiques y sont intégrés dans une tarification globale, permettant à un cabinet de revendre une prothèse achetée quelques centaines d’euros plusieurs milliers d’euros plus tard — sous prétexte de “plateau technique”.

Cette logique, en contradiction avec l’article L.4113-5 du Code de la santé publique sur l’interdiction du commerce des produits de santé, n’a rien de médical : elle relève du commerce pur, habillé d’un statut professionnel.
Pendant ce temps, les patients se voient imposer des délais, des transports, ou des coûts injustifiés… que l’on tente de masquer sous le label “100 % Santé”, sans jamais corriger la cause : l’absence de réforme structurelle.

Le modèle conventionnel, construit sur le dialogue entre syndicats et Assurance maladie, devait garantir un équilibre entre régulation publique et liberté d’exercice.
En réalité, il est devenu — dans plusieurs branches, notamment le secteur dentaire — un outil de verrouillage, empêchant toute évolution du champ professionnel.

Sous couvert de “défense du système”, certaines organisations entretiennent un modèle qui sert davantage la protection d’un monopole que l’accès aux soins.
Les négociations ne portent plus sur la santé, mais sur le maintien d’un pouvoir économique et symbolique :

  • Refus de reconnaître les professions intermédiaires (comme les denturologistes),
  • Blocage systématique de l’application du droit européen à l’accès partiel (CJUE C-940/19),
  • Dérive du rôle ordinal vers un contrôle de territoire, bien au-delà de sa mission légale de sécurité des patients.

Le résultat est limpide : un système censé favoriser la qualité et la proximité des soins s’est transformé en forteresse administrative qui décourage l’innovation, les collaborations, et même la transparence.
Analyse complémentaire

Ces chiffres illustrent une dérive structurelle : la prothèse est devenue une source de marge commerciale et non un acte de santé publique.
Le patient paie un dispositif 5 à 8 fois son coût réel, dans un modèle fermé, où le praticien achète et revend un produit de santé une situation explicitement visée par l’article L.4113-5 du Code de la santé publique.

Les dépenses de santé en 2023 – Édition 2024 (DREES) → PDF

Repères chiffrés

Les dépenses de santé en 2023 – Édition 2024 (DREES) → PDF

IndicateurDonnées de référenceSource
💶 Prix moyen facturé au patient pour une prothèse amovible complèteentre 2 200 € et 2 800 €Données consolidées CNAM / DREES – Panorama des dépenses de santé 2023
🧾 Coût moyen de fabrication au laboratoire250 € à 450 € selon matériau (résine, squeletté, implant)Étude XERFI Le marché des prothèses dentaires en France (édition 2020)
⚙️ Marge brute au cabinet dentaire (hors honoraires cliniques)en moyenne +500 à +800 % sur le coût réel de productionCour des comptes – Rapport sur les soins dentaires et le RAC0, 2022
⚖️ Référence légale : interdiction du commerce des produits de santéCode de la santé publique – article L.4113-5Légifrance
🧩 Part de prothèses importées posées en Franceenviron 70 % (couronnes, bridges, PAC importées)CNAM / Douanes françaises 2022
🏭 Nombre estimé de laboratoires de prothèse fermés en 20 ansplus de 4 500, soit la moitié du parc initialUNPPD / INSEE, données consolidées 2000–2022

« France Santé » : centraliser encore plus, ou enfin réformer ?

L’UNPS dénonce une recentralisation et l’effacement du dialogue social. Défendre le statu quo n’est pas la solution : il faut reconstruire un cadre ouvert, transparent et orienté santé publique.

L’amendement du gouvernement introduisant le dispositif “France Santé” prétend améliorer la coordination territoriale.
Mais il risque de recentraliser encore davantage un système déjà étouffé par sa bureaucratie.
L’UNPS a raison de dénoncer un projet construit sans concertation, confiant au directeur général de la CNAM des pouvoirs unilatéraux inédits.

Cependant, défendre le statu quo n’est pas une solution.
Le véritable enjeu n’est pas de sauver le “paritarisme” en l’état, mais de le reconstruire sur des bases saines :

  • ouverture à de nouveaux acteurs,
  • reconnaissance des compétences existantes,
  • transparence sur les flux économiques,
  • et réintroduction du critère de santé publique dans les négociations.

🏛️ Centralisation

Le dispositif « France Santé » confère au directeur général de la CNAM un pouvoir décisionnel inédit sur les orientations locales, sans passer par la concertation conventionnelle. Cette recentralisation affaiblit le dialogue avec les syndicats et les acteurs de terrain, au profit d’une gouvernance technocratique unilatérale.

Risque : effacement du paritarisme et perte d’autonomie territoriale.

🧩 Confusion territoriale

L’ajout d’un nouveau label national vient s’empiler sur les structures déjà existantes (CPTS, MSP, DAC, ARS, conseils territoriaux). Au lieu de simplifier, « France Santé » ajoute un échelon de plus au millefeuille administratif dénoncé depuis dix ans par la MECSS.

Conséquence : dilution des responsabilités et illisibilité pour les patients comme pour les professionnels.

💸 Sous‑financement

L’enveloppe annoncée de 130 millions d’euros pour le déploiement du réseau « France Santé » représente moins de 0,2 % des dépenses de soins de ville. Elle ne permet ni la revalorisation attendue des professions, ni la mise en place d’outils de coordination pérennes.

Conclusion : un affichage politique sans moyens structurels réels pour la santé de proximité.

📘 Ce qu’en dit le Sénat – Rapport MECSS 2024-2025 sur le pilotage territorial de la santé

« Le pilotage territorial de la santé souffre d’une absence de chef de file et d’un enchevêtrement d’acteurs aux compétences croisées » (p. 8)

« Les flux financiers demeurent opaques : aucune vision consolidée des financements n’existe entre les ARS, la CNAM et les collectivités » (p. 14)

« Le financement des CPTS ne repose sur aucune base pérenne ; la logique de projets ponctuels fragilise la continuité des soins de proximité » (p. 25)

« La création d’un label national supplémentaire, tel que “France Santé”, risquerait de brouiller davantage le paysage des structures locales » (p. 31)

« Il est urgent de redonner aux professionnels de santé libéraux une place claire dans la gouvernance territoriale » (p. 36)

La denturologie : une réponse déjà prête

Dans plusieurs pays européens (🇧🇪 🇨🇭 🇳🇴 🇳🇱) et au Canada (🇨🇦), la denturologie est reconnue et réglementée. En France, elle répond déjà à la crise des soins prothétiques par la proximité, la traçabilité et l’efficience.

La denturologie : un modèle que la France refuse encore de voir
La denturologie représente précisément ce que “France Santé” prétend vouloir créer :
un réseau de professionnels de proximité, autonomes, responsables et économiquement viables.
Dans plusieurs pays européens Suisse, Norvège, Pays-Bas  le denturologiste (ou “tannprotetiker”) prend en charge les prothèses amovibles de manière directe, avec un haut niveau de formation clinique et de traçabilité.

Résultat :

  • Accessibilité accrue pour les patients âgés ou isolés,
  • Réduction des coûts publics (moins de transports, moins d’intermédiaires),
  • Fabrication locale et transparente,
  • Allégement du travail des chirurgiens-dentistes sur les actes médicaux à forte valeur ajoutée.

Ce modèle fonctionne, il existe, il est légalement reconnu par la jurisprudence européenne.
La France, elle, persiste à l’ignorer pour protéger un équilibre artificiel, au prix d’un accès aux soins de plus en plus inégalitaire.

Conclusion : défendre la santé, pas les statuts

Oui, le dispositif “France Santé” soulève des inquiétudes légitimes.
Mais défendre le système conventionnel actuel sans en interroger les dérives, c’est refuser le débat de fond.
La santé publique n’a pas besoin d’un cadre “conventionnel” figé ; elle a besoin d’un cadre cohérent, fondé sur la compétence, l’éthique et la transparence.

La France doit désormais choisir :

  • continuer à centraliser et protéger les monopoles,
  • ou ouvrir la voie à des professions complémentaires capables de répondre aux besoins du terrain.

Le premier choix perpétue la crise ;
le second redonne du sens à la santé de proximité.

Et, dans ce second choix, la denturologie n’est pas une menace.
Elle est une opportunité pour les patients, pour les territoires, et pour l’équilibre financier du système de santé.